Pour mieux comprendre les enjeux de l'affaire Clearstream, les journalistes Pierre Péan et Vanessa Ratignier ont enquêté pendant plusieurs mois, rencontrant de nombreux protagonistes. Dans ce premier volet, ils partent sur les traces de trois personnages clés : Imad Lahoud, ancien trader, Jean-Louis Gergorin, directeur de la coordination stratégique chez EADS et le général Philippe Rondot, des services de renseignements français. Après avoir purgé une peine de prison pour escroquerie, Imad Lahoud collabore, à partir 2003, pour les services secrets français, prétendant détenir des informations sur les avoirs de la famille Ben Laden.

En 2001, le journaliste d'investigation Denis Robert publie avec Ernest Backes, ancien de Clearstream, le livre Révélation$, dans lequel il accuse la chambre de compensation luxembourgeoise d'entretenir des comptes occultes qui permettraient des transferts illégaux internationaux. Deux ans plus tard, en février 2003, en accord avec la DGSE, Imad Lahoud entre en contact avec Denis Robert, qui lui confie des listings de Clearstream.

Ce volet revient en détails sur la guerre sans merci que se livrent, dans les années 1990, deux poids lourds de l'industrie, Alain Gomez, alors président de Thomson-CSF et Jean-Luc Lagardère, PDG de Matra (qui deviendra EADS). Quand ce dernier décède, le 14 mars 2003, d'une maladie nosocomiale, son bras droit, le brillant stratège Jean-Louis Gergorin, est persuadé qu'il a été assassiné. La même année, au mois de février, le mathématicien spécialiste des opérations bancaires Imad Lahoud rencontre le journaliste Denis Robert, qui lui remet des listes de titulaires de comptes Clearstream.

A la fin des années 80, Taïwan souhaite acheter à Thomson-CSF six frégates Lafayette pour un montant de 16 milliards de francs. Mais les événements géopolitiques bouleversent la signature du contrat. Voyant d'un mauvais oeil l'armement de son voisin taïwanais, la Chine fait pression sur les autorités françaises qui bloquent l'affaire. Pour conclure le marché, l'existence d'un vaste système de commission et de rétrocommissions impliquant Thompson, sous la présidence d'Alain Gomez, et certains dirigeants français, taïwanais et chinois a été soupçonné.

En 2004, Imad Lahoud transmet à Jean-Louis Gergorin des listings Clearstream falsifiés. En faisant apparaître le nom de Nicolas Sarkozy, ces listings vont relancer la "guerre des droites", qui avait vu s'opposer dès 1994 balladuriens et chiraquiens. Parmi ces derniers, certains ont la certitude que des rétrocommissions, obtenues dans le cadre de contrats d'armement, ont servi à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995.

En juin 2004, le juge Van Ruymbeke, qui enquête sur l'affaire des frégates de Taïwan, reçoit des lettres émanant d'un corbeau. Celles-ci mettent en cause des personnalités politiques et des industriels qui auraient encaissé des commissions sur des comptes occultes de Clearstream. Une information judiciaire est ouverte par le parquet de Paris pour "dénonciation calomnieuse". L'enquête révèle que Jean-Louis Gergorin est le corbeau, il est mis en examen et placé sous contrôle judiciaire en 2006.